LA CARTE : MÉDIAS FRANÇAIS ! QUI POSSÈDE QUOI ? « Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets  » Alfred Sauvy

Comme l’expose le Monde Diplomatique, une quarantaine de grands groupes, familles ou individus disposent de la quasi-intégralité des médias de la France. On retrouve parmi eux un certain nombre de milliardaires et de riches industriels. À partir de ce constat, il existe donc de clairs conflits d’intérêts. 

À l’instar de beaucoup de pays à travers le monde, la France rencontre un vaste problème de traitement de l’information. Aux mains d’une poignée de privilégiés aux intérêts convergents, les médias hexagonaux de grande écoute manquent cruellement de pluralisme. Décryptage d’une dérive propagandiste.

Comme l’expose le Monde Diplomatique, une quarantaine de grands groupes, familles ou individus disposent de la quasi-intégralité des médias de la France. On retrouve parmi eux un certain nombre de milliardaires et de riches industriels. À partir de ce constat, il existe donc de clairs conflits d’intérêts. 

La mainmise des riches

Aujourd’hui, selon Média Crash d’Oxfam qui cite Julia Cagé : 9 milliardaires possèdent plus de 80 % des médias en France. Ces 9 milliardaires sont :

  • Bernard Arnault : Les Echos, L’Opinion, Le Parisien, une partie du Groupe Perdriel (Challenges, Sciences et Avenir)
  • Patrick Drahi : BFMTV, RMC, L’Express, Libération i24
  • Xavier Niel : Le Monde SA (Le Monde, Télérama, Courrier International, L’OBS, Le Monde Diplomatique, Huffpost), NJJ (Paris Turf, Nice Matin, Var Matin, Monaco Matin)
  • Daniel Kretinsky : Le Monde SA (Le Monde, Télérama, Courrier International, L’OBS, Le Monde Diplomatique, Huffpost), Elle, Marianne, Télé 7 Jours
  • La famille Dassault : Le Figaro, Le Figaro Magazine
  • François Pinault : Le Point
  • La famille Bouygues : Groupe TF1 (TF1, LCI, TMC, TFX)
  • Arnaud Lagardère : Paris Match, Hachette Livre, le JDD, Europe 1
  • Vincent Bolloré : Groupe Canal + (Canal +, C8, CNews), Prisma Media (Capital, Femme Actuelle, Télé Loisirs, GEO, Voici, Gala), une partie de Lagardère(Paris Match, Hachette Livre, le JDD, Europe 1), France Catholique

En effet, parmi les 6 principaux quotidiens nationaux généralistes vendus en France, 4 sont contrôlés par des milliardaires. La dynastie Dassault, spécialisée dans l’aviation d’armement, possède donc le Figaro. Les échos sont détenus par Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France. Et malgré des fonds d’indépendance pour la presse, les richissimes Xavier Niel et Patrick Drahi gardent respectivement la main sur le Monde et Libération. Seuls donc l’Humanité et la Croix conservent une relative autonomie.

Du côté des hebdomadaires d’actualités généralistes, la situation est encore pire puisque 100 % d’entre eux appartiennent à des milliardaires ! C’est le cas de publications comme l’Express (Drahi), le Point (Pinault) dont la ligne éditoriale est, depuis, de plus en plus réactionnaire, l’Obs (Niel). Plus récemment, le JDD et Paris Match sont passés aux mains de la famille Bolloré, à travers leur groupe Vivdendi. Ce rachat qui renforce le monopole privé de l’information n’a d’ailleurs pas tardé à faire polémique lorsque Geoffroy Lejeune, ancien de l’édition d’extrême droite Valeurs Actuelles, a été nommé à la tête du Journal du Dimanche. 

Situation catastrophique à la télévision

Sept groupes se partagent actuellement les 26 canaux de télévision émis sur la TNT. À l’exception de la chaîne de sport « L’équipe », l’intégralité d’entre eux appartient soit à de grandes fortunes (18) soit à l’État français (7). Lorsque l’on sait que plus de 44 millions de personnes regardent la petite lucarne française quotidiennement, dont 20 millions pour les seuls JT, on peut facilement imaginer l’impact politique monumental de ces médias.

 

A priori, le phénomène peut paraître moins marqué dans la presse régionale puisque sur la cinquantaine de titres de ce type, à peine six sont la propriété d’un milliardaire. Notons cependant qu’il n’est pas forcément nécessaire d’être milliardaire pour défendre les intérêts des grandes fortunes. On peut par exemple prendre le cas du journal local le plus vendu du pays, Ouest-France, qui assume totalement une ligne néolibérale. 

Parmi les médias d’envergure, extrêmement peu remettent en cause l’ordre du monde. Au sein des quotidiens nationaux, seuls l’Humanité et dans une moindre mesure Libération sont étiquetés à gauche. À la télévision, la situation est encore plus grave puisque l’intégralité des canaux défend le néolibéralisme.

Ce manque de pluralisme pose évidemment de graves problèmes pour la démocratie. Et pour cause, comment les citoyens français pourraient-ils prendre des décisions éclairées, et notamment dans leur vote, si les informations dont ils disposent vont toutes dans le même sens ? L’élection d’Emmanuel Macron est d’ailleurs une belle illustration de cette impasse.

Si l’actuel chef de l’État a pu passer d’illustre inconnu à président de la République en si peu de temps, la presse n’y est, en effet, pas étrangère.

Le cas du service public

Restent également les médias détenus par l’État français, avec en première ligne France Télévision. On peut aisément remarquer que les informations fournies sur ces chaînes ne sont guère différentes de celles de BFM ou de LCI.

Il faut dire que l’influence du gouvernement sur la télévision publique est régulièrement pointée du doigt. Récemment encore, Cyril Graziani, proche d’Emmanuel Macron, créait la polémique en accédant à la tête du service politique de France Télévision.

C’est pourtant le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel qui nomme les dirigeants de ce service public et non l’Élysée. C’est en tout cas ce que rétorquent les partisans de Renaissance. Ceux-ci oublient néanmoins de préciser que c’est la majorité gouvernementale qui désigne le patron du CSA.

Bien que subventionnées par tous les Français, les chaînes publiques manquent donc clairement de représentativité et défendent souvent les idées du pouvoir en place. L’an passé, une enquête révélait d’ailleurs que les journalistes de France Télévision voyaient leur rémunération dépendre de leurs efforts de renforcement de la couverture des sujets européens.

Paradoxalement, le gouvernement français a interdit la chaîne russe RT France, sous prétexte qu’elle était « financée par le Kremlin ». Si RT France n’est pas neutre sur la politique menée en Russie, France Télévision l’est-elle plus sur celle menée en France ? Par comparaison, par exemple, le traitement médiatique des manifestations des Gilets Jaunes, de Julian Assange ou de l’Amérique latine, était relativement plus complet sur RT France que sur le service public de l’hexagone…

Un modèle économique à revoir ?

Par ailleurs, l’indépendance de la presse de grande écoute est sérieusement remise en cause par ses modes de financement. Qu’ils reposent sur la fortune d’un riche actionnaire ou sur des subventions d’État, on peut très fortement craindre que cela influence la ligne éditoriale.

De la même façon, un média qui disposera de très peu de moyens pourra moins facilement enquêter et fournir un véritable contenu de fond. Beaucoup d’entre eux sombrent dans l’écueil de la reprise de brève AFP. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des dizaines d’articles fondamentalement identiques sur plusieurs sites, le même jour. À ce sujet, une étude de 2017 soulignait que 64 % des productions informatives publiées en ligne relevaient du pur et simple copier-coller.

Le manque de moyens et de rentabilité de la presse a également fait exploser le nombre de stagiaires au sein des rédactions. Or, ceux-ci sont bien souvent utilisés de la même façon que les salariés, notamment l’été où ils font véritablement office d’intérimaires. Bien évidemment, la qualité du travail peut s’en ressentir.

L’emprise de la pub

D’autres médias font massivement appel à la publicité pour faire du profit. C’est particulièrement le cas des chaînes de télévision privées, mais aussi de la presse papier. Dans certains magazines, notamment les gratuits, on dénombre même parfois plus de réclames que d’articles.

Or un tel modèle cause d’énormes problèmes d’indépendance. Comment des reporters pourraient-ils en effet poser un regard critique sur une entreprise ou une personne qui les finance ? En 2015, le Canard Enchaîné révélait ainsi que le milliardaire Vincent Bolloré avait fait en sorte de priver le journal le Monde de 7 millions de recettes publicitaires après deux papiers à son sujet qui ne lui avaient pas plu.

Des médias indépendants

Il existe malgré tout un certain nombre de médias indépendants qui ne sont soumis ni à un riche actionnaire ni à des annonceurs publicitaires, et s’acharnent à fournir un travail de décryptage inédit et rigoureux, comme: L’Humanité, Le Monde DiplomatiqueAlternatives Eco, Fakir, Politis, Mediapart, Reporterre, La Relève et la Peste, Le Vent se lève, Les 2 Rives, Frustration, Basta mag, CQFD, Les Crises, Regards, Le Média TV, Blast, Osons Causer, Le Canard réfractaire…. et d’autres encore à retrouver sur la carte de la « presse pas pareille».

Toutefois, les algorithmes internet sont également touchés par un monopole idéologique et sont de plus en plus difficiles à contourner. Certains dossiers ou titres sont inlassablement bloquées, invisibilisés, avec une volonté officielle des réseaux sociaux de favoriser le divertissement brut et commercial au détriment des analyses politiques de fond.

Plus récemment, par exemple, Facebook Canada a retiré de ses flux les sources d’information, supprimant notre accès à une grande partie de notre lectorat francophone et obligeant ainsi les internautes à s’en remettre uniquement aux sources conventionnelles d’information.

« Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets » Alfred Sauvy

SOURCES https://mrmondialisation.org/medias-independants-contre-prives-la-guerre-info/

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