L’association Préservation de l’environnement des volcans d’Auvergne (Preva), qui a organisé une première manifestation le 30 septembre dernier, dénonce les prélèvements d’eau effectués à Volvic par la Société des eaux de Volvic (SEV), pour l’embouteillage de ses bouteilles d’eau minérale. Des quantités jugées pharamineuses dont la filiale de la multinationale Danone, la SEV. Elle est autorisée depuis un arrêté de 2014 à prélever jusqu’à 2,7 millions de mètres cubes d’eau par an pour son activité commerciale. Une quantité jugée beaucoup trop élevée par Sylvie De Larouzière, présidente de la Preva.
“Ces volumes d’eau sont considérables, entame-t-elle. Ils correspondent à environ 7 millions de bouteilles plastiques produites chaque jour. Le prélèvement d’une telle quantité a nécessairement des conséquences extrêmement néfastes, notamment sur l’assèchement des ruisseaux.”
Assèchement des ruisseaux et destruction de la biodiversité
Des conséquences qui, selon les membres de la Preva, vont d’ailleurs plus loin encore, puisque la surexploitation des eaux de Volvic par Danone entraîne également une destruction de la biodiversité, explique Christian Amblard, directeur de recherche honoraire au CNRS.
“Jusque-là, le secteur riomois était connu pour sa richesse en ruisseaux, avance celui qui se dit engagé pour l’eau en tant que citoyen comme en tant que scientifique. Mais maintenant, les ruisseaux à l’aval du bassin-versant de Volvic se réduisent à des minces filets, ce qui impacte la biodiversité animale comme végétale.”
À titre d’exemple, “certaines espèces d’oiseaux, comme les tarins des aulnes, disparaissent, ainsi que les aulnes eux-mêmes. Tout est lié.”
Et de renchérir : “Quand il n’y a plus d’eau dans les ruisseaux, les zones humides en pâtissent aussi, alors même qu’elles permettent de stocker du CO2, ce qui, on le sait, est indispensable pour faire face au changement climatique.”
Face à l’inquiétude des chercheurs comme des militants, la SEV se présente, elle, comme un “acteur engagé”. À ce titre, elle explique ne prélever que 2,3 millions de mètres cubes par an sur les 2,7 qu’elle est autorisée à pomper. Une limitation qui a d’ailleurs permis d’économiser “380 millions de litres d’eau entre 2017 et 2020”, assure la marque Volvic via son site Internet.
De prime abord, pas de quoi, donc, remettre en question les agissements de la filiale de Danone, d’autant que, selon l’ancien préfet du Puy-de-Dôme, entendu lors d’une commission d’enquête parlementaire en 2021 relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés, “les conditions environnementales, et notamment la sécheresse, ont conduit à une baisse de la recharge de l’aquifère sans qu’elle puisse être imputée à notre sens aux prélèvements réalisés en aval par la SEV.”
Pour une application effective de la loi de 2006
Ces arguments, Christian Amblard les réfute net.
“Dans ce contexte précis, l’argument du changement climatique est inadapté”, avance le chercheur, chiffres à l’appui : “Entre 1971 et 1999, la pluviométrie moyenne était de 755 millimètre par an. Entre 1999 et 2018, elle était était de 751 millimètre par an. Elle était donc quasi-identique, alors même que le débit des sources a été divisé par 8 et que les prélèvements de la SEV ont, eux, été multipliés par dix en 40 ans. Et avec tout ça, on voudrait nous faire croire que les prélèvements d’eau par Danone n’y sont pour rien ?”
Face à cette situation, les demandes de l’association Preva sont claires : en premier lieu, baisser drastiquement les prélèvements de la SEV.
“Ces prélèvements sont actuellement bien supérieurs à la capacité de renouvellement de la ressource, détaille Sylvie De Larouzière. Ça ne peut plus durer, sachant que le fait même d’embouteiller dans des bouteilles en plastique, qui sont en plus ensuite vendues majoritairement à l’étranger, c’est vraiment un système de l’ancien monde…”
Dans le même temps, l’association milite pour que la loi sur l’eau et les milieux aquatiques soit “enfin appliquée”. Promulguée en 2006, cette dernière détaille l’ordre de priorité des usages des ressources en eau, avec, pour premières priorités la sécurité civile et l’adduction d’eau potable, puis l’alimentation des écosystèmes naturels et des agrosystèmes, puis, ensuite seulement, les éventuelles autres utilisations de l’eau comme sa commercialisation.
“Le problème, c’est qu’à Volvic, ces priorités ne sont pas respectées, tempête la présidente de la Preva. Il faut que la mise en bouteille devienne une variable d’ajustement et non une priorité comme c’est le cas aujourd’hui.”
“On ne va rien lâcher”
Pour l’heure, l’association dit continuer à “travailler au corps les services de l’État et les élus pour qu’ils ouvrent les yeux”. Une tâche loin d’être gagnée, dans un contexte où la SVE est particulièrement bien implantée dans la région, avec environ 900 salariés et “des liens étroits avec les collectivités territoriales et les associations locales”, concède Sylvie De Larouzière.
Pas de quoi faire baisser les bras pour autant à la Preva, qui attend les résultats d’un rapport mandaté par l’État afin de déterminer s’il existe, ou non, un lien entre les prélèvements de la SEV et le tarissement des ressources en eau.
“La thèse de Simon Rouquet [“Étude du fonctionnement hydrogéologique et modélisation de l’hydrosystème de Volvic : Prise en compte du rôle joué par la forêt”, École normale supérieure des mines de Paris, 2022, NDLR], rendue publique début 2023, soit plus de dix ans après avoir été terminée, montrait déjà le lien de cause à effet, rapporte Christian Amblard. On espère que ce nouveau rapport ira dans ce sens”.
Et à Sylvie De Larouzière de conclure : “Mais quelles que soient les conclusions de ce nouveau rapport, on ne va rien lâcher. Si rien ne bouge, on prévoit une manifestation d’ampleur au printemps.”
Association PREVA :